Du caviar français dans nos assiettes
Issu des œufs d’esturgeons, le caviar est essentiellement produit en Russie. Il a été importé en France depuis la révolution russe de 1917. Pourtant, nous consommons généralement du caviar d’Italie ou de Chine. Mais des exploitants français installés en Aquitaine et en Sologne à partir des années 90 produisent un caviar de qualité. Décryptage.
Le caviar français, un bon substitut aux produits russes
Encore peu connu en France, le caviar français présente pourtant une qualité assez exceptionnelle, et cela tombe à pic. En effet, le caviar russe, comme la vodka ou les autres produits russes, est désormais interdit à l’importation par l’Union européenne, imitant en cela les sanctions prises par le Royaume-Uni et les Etats-Unis envers la Russie.
Bien sûr, les amateurs d’or noir peuvent toujours se tourner vers le caviar de Chine, et c’est d’ailleurs ce qu’ils ont fait depuis plusieurs années. Les exportations russes ne représentent en effet qu’une part infime de la production mondiale de caviar (environ 2 %).
Le marché international du caviar ne cesse de se valoriser. Entre 2017 et 2020, la production a quasiment doublé. Le caviar italien est le plus vendu au monde, devant le caviar chinois, peu goûteux et le caviar français.
L’or noir français, un caviar de qualité
Les fermes aquacoles se sont développées depuis les années 90, avec le soutien du géant Petrossian, importateur de caviar depuis les années folles. Celui-ci a en effet anticipé l’interdiction de la pêche aux esturgeons sauvages en proposant à son catalogue les premiers caviars d’élevage.
Les épiciers arméniens participent pour cela au développement des élevages en leur communiquant leur savoir-faire et en les accompagnant sur le long terme. Ils les aident notamment à produire un caviar d’esturgeon d’élevage d’une qualité similaire au caviar d’esturgeon sauvage.
Le caviar produit en France respecte des cahiers des charges très précis pour offrir un niveau de qualité élevé, respectueux de l’environnement. La peau des esturgeons est recyclée dans la filière « maroquinerie ».
Le caviar français mérite d’être soutenu par les plus grands chefs français, désireux de s’intégrer dans une démarche écoresponsable et de proposer des produits locaux et de saison.
Elevage et fabrication du caviar d’élevage en France
Il faut souligner que le caviar provient d’animaux ayant entre 8 et 15 ans. C’est donc un travail de patience qui permet d’aboutir à un caviar de qualité. Une femelle esturgeon donne jusqu’à 2 millions d’œufs, extraits de son ventre dès qu’ils sont à maturité.
Les œufs d’esturgeon sont ensuite tamisés lavés, rincés puis égouttés, avant d’être triés en fonction de leur couleur, de leur taille et de leur fermeté. Selon les « recettes », ils peuvent être salés. Il s’agit d’une technique très précise, le salage ne devant pas altérer le goût des précieux grains.
Le caviar est alors brassé délicatement avant d’être conditionné dans des boîtes métalliques puis affinés au frais, jusqu’à plus de 8 mois.
Le caviar n’usurpe pas son surnom d’or noir. Sa production nécessite plusieurs années de patience et le pesage se fait au gramme près, dont aucun n’est perdu.
Moulin de Cassadote, le premier caviar français
En 1993, le Moulin de Cassadote réalise la première récolte de caviar d’élevage dans le monde. L’entreprise boïenne, aux confins du Bassin d’Arcachon, parie sur la préservation de la biodiversité, le respect de l’environnement et la qualité du produit.
Elle est engagée pour le respect de l’environnement dans tous ses domaines :
- qualité de l’eau,
- alimentation de qualité,
- respect des saisons,
- faible densité des populations d’esturgeons, etc.
Le Moulin de Cassadote est certifié Aquaculture respectueuse de l’environnement en Aquitaine (AquaREA), label comportant 6 axes d’amélioration déclinés en une soixantaine de points de contrôles.
Si le prix du caviar vous paraît exorbitant, vous pouvez visiter la ferme aquacole de Biganos, pour quelques dizaines d’euros, et profiter à cette occasion d’une dégustation de caviar d’élevage français.
Sturia, du caviar 100 % français
A Saint-Loubès (33), la société Kaviar s’est installée en 1990. Elle produit la marque Sturia, qui représente 20 tonnes annuelles, soit la moitié des productions de caviar de la région.
Le caviar Sturia est issu de trois espèces élevées dans la ferme aquacole de Saint-Fort-sur-Gironde, nourris sans protéines animales et sans OGM :
- Béluga,
- Osciètre,
- Baeri.
Le produit tiré de cette exploitation suit les prescriptions drastiques de l’association Caviar d’Aquitaine. Selon son président Laurent Dulau, ce caviar français présente des goûts complexes, une bonne longueur en bouche et une mâche agréable. Le prix de vente reste raisonnable par rapport aux grands caviars russes : entre 1 000 et 10 000 euros le kilo, selon le type de caviar. Le béluga reste le plus cher, dans la mesure où la maturité de l’espèce prend 10 à 15 ans.
Foie gras et caviar en Périgord
Si vous pensiez que le Périgord était la région du foie gras, vous serez heureux de savoir que c’est aussi, désormais, le pays du caviar. Créée au début des années 2010, la société Neuvic y produit un excellent caviar écoresponsable à partir de mêmes espèces, ainsi que d’une quatrième, le Sévruga.
La ferme produisant le Caviar de Neuvic fait un effort supplémentaire en matière d’écoresponsabilité : elle ne nourrit ses esturgeons qu’à base d’aliments AB. Le prix du caviar n’en est pas foncièrement augmenté, le kilo se vendant à 2 000 euros en moyenne.
Caviar d’élevage en Sologne
Après l’Aquitaine, la Sologne arrive en deuxième place des régions françaises d’élevage d’esturgeons. Se limitant à 2 espèces (osciètre et baeri), la société Hennequart (située en Loir-et-Cher, à Saint-Viâtre) produit depuis les années 70 sous la marque Caviar de Sologne.
La ferme aquacole veille à reproduire autant que possible le milieu naturel des esturgeons. En particulier, les poissons passent leurs dernières années dans d’immenses bassin. Côté goût, l’entreprise pratique le salage, mais ne dévoile rien sur sa technique. Le chef Guy Savoy souligne « son grain croquant, sa jolie robe dorée et ses arômes à mi-chemin entre la noisette et les pignons de pin ». Côté prix, comptez 2 000 euros le kilo en moyenne.